2021 – En cours

Côtes d’Armor, Bagnolet, République Tchèque

«Recommencer. Ne pas se décourager, y croire. Lire des signes dans à peu près tout, ne pas s’y attacher, faire des rituels magiques, ne pas y penser, y croire, ne pas y croire. Quelle importance ? Recommencer, ne pas perdre espoir. Remettre en question son couple, ses choix, ses croyances, ses motivations, ses schémas, ses jugements. Travailler sur soi, chercher l’élan du désir pur. Accepter ce que la vie nous offre. Essayer, recommencer, écouter tous les conseils, pleurer, recommencer, ne pas y penser. Y croire, attendre, tout calculer, respecter les horaires, la chaîne du froid. Se piquer, se faire piquer, se faire visiter, garder l’élan du désir pur. Y croire, s’accrocher, projeter. Ne pas obtenir ce qu’on souhaite. Ne pas y arriver. Ne plus savoir ce qu’on souhaite. Envisager le don d’ovocyte. Ne pas en parler, avoir de la difficulté à en parler, avoir honte, être en colère d’avoir honte, être en colère contre la vie, être en colère contre soi. Se demander si on a fait quelque chose de faux. Si on est puni, si on ne mérite pas, si on n’est pas assez bien. Chercher la douceur, chercher le réconfort, avoir envie de tout foutre en l’air. Y passer quatre ans de sa vie, en faisant comme si de rien n’était. Recommencer.»

Avec MAP Process, la photographie est mise en tension pour montrer métaphoriquement un vide, une absence; raconter l’attente d’un être qu’on espère, qu’on désire, qu’on fantasme mais qui n’arrive pas. MAP Process est une série en cours, donnant à voir certains moments de mon parcours de procréation médicalement assistée (PMA / MAP en anglais).

MAP Process est un récit autobiographique: l’expression symbolique permet de raconter l’intime, les états émotionnels, avec une forme de pudeur. Dans ces moments de vie particuliers, le travail photographique a représenté un espace jubilatoire le long d’un parcours où il ne m’a jamais semblé permis de baisser les bras, où il a fallu tenir debout face aux tempêtes successives.

Il est difficile d’exprimer ce que l’on traverse lorsqu’on suit un parcours de PMA. Encore plus quand celui-ci s’éternise et ne donne pas les résultats escomptés. Les taux de réussite des traitements sont faibles* et de nombreuses personnes vivent la non-réalisation de leur parentalité – dont la déflagration est aussi puissante que celle d’un deuil – dans le silence et l’isolement. On entend peu ces récits lorsqu’on parle de PMA, pourtant ils sont de loin les plus nombreux... C’est pour elleux, aussi, que ce travail existe, et pour toutes les personnes qui les côtoient sans comprendre ce qu’iels vivent.

* Les chiffres des taux de réussite de la PMA demeurent incertains, étant donné le nombre de variables liées à l’âge, aux protocoles de traitement, au dossier médical de chacun.e, etc. On peut dire de façon globale que les taux de réussite varient entre 6% et 25% par tentative. Il existe à mon sens une forme d’omerta sur la réalité des statistiques: médecins et cliniques s’appliquent à transmettre aux patient.e.s en parcours de PMA les chiffres les plus positifs possibles...